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La jeunesse oubliée

A lire, un article du journal "Les Echos"

La jeunesse oubliée de l’inclusion numérique

La révolution numérique, à l’instar des précédentes révolutions industrielles, est porteuse d’opportunités sociales et professionnelles nouvelles : en matière d’accès aux services, d’emploi, de création, d’autonomie, d’exercice de la démocratie notamment.

Les mesures prises par le secrétariat d’Etat au Numérique, dans le cadre de la stratégie nationale pour un numérique inclusif, témoignent d’une prise de conscience de l’ampleur de la transformation et des difficultés qui en découlent. Le défenseur des droits et de nombreux acteurs de la société civile s’inquiètent : tous les individus n’ont pas le même effort de compréhension et d’adaptation à fournir. En réponse, un grand nombre d’associations apportent également une aide essentielle aux personnes fragilisées dans l’immédiat par la dématérialisation des services.

« Digital natives » ?

Toutefois, n’avons-nous pas tendance à laisser de côté une part substantielle de la population ? Dans une société où la maîtrise de la culture, des codes, des compétences et des usages numériques conditionne de plus en plus la réussite de l’insertion sociale et professionnelle de chacun, n’est-il pas urgent de recentrer les stratégies d’inclusion numérique sur la jeunesse des territoires fragiles - quartiers populaires, territoires ruraux, outre-mer ?

Bien qu’utilisatrice assidue d’Internet, cette jeunesse se limite principalement à l’usage de quelques réseaux sociaux. Au-delà, une frontière s’érige. La distance vis-à-vis du numérique vient ainsi se superposer aux inégalités existantes et les renforcer. Cette génération que l’on appelle à tort « digital native » "nés avec internet" a une maîtrise du numérique bien plus inégale que ce que l’on voudrait croire et manifeste sa peur des intelligences artificielles, de la robotisation du travail…

L’apprentissage des compétences transversales (collaboration, capacité d’adaptation, créativité, pensée critique, communication notamment), des compétences numériques et de la citoyenneté numérique est d’une importance capitale. C’est le levier qui permettra à chacun d’être en mesure d’identifier, de comprendre et de saisir les opportunités du numérique, quel que soit son environnement d’origine.

« Soft skills », compétences non techniques

L’école, garante de l’égalité républicaine, est longtemps restée en marge de ces évolutions. Heureusement, depuis quelques années, l’enseignement de la pensée informatique et créative entre progressivement dans les curriculums du primaire et du secondaire. La récente mise en place d’un Capes informatique, depuis longtemps demandé, va dans le bon sens. C’est en dotant les acteurs de l’éducation, via la formation initiale et continue, des connaissances et compétences nécessaires à maîtriser les enjeux du XXIe siècle que nous serons à même de répondre aux transformations massives de la société.

Car la pensée informatique est surtout le symbole d’une autre forme d’apprentissage, d’une ouverture sur le monde, d’une source de savoir et de compréhension au-delà des simples usages. Elle démultiplie le « pouvoir d’agir » et ouvre les perspectives des individus, à chaque étape de leur vie : élève, citoyen, parent… A elle seule, elle dit aussi l’évolution du travail, la transformation de tous les métiers, l’apparition de nouvelles façons de travailler, et donc la valorisation de nouvelles compétences. Les recruteurs se montrent par exemple de plus en plus sensibles à̀ la maîtrise des « soft skills » compétences non techniques, qui jouent un rôle crucial notamment pour assurer la cohésion d’équipe et renforcer la culture d’entreprise.

A l’heure où 8.000 emplois sont non pourvus dans le numérique, où les études montrent que 60 % des métiers de demain n’existent pas encore et où le taux de chômage dans les quartiers populaires ne diminue pas, l’enjeu est aussi d’informer tous les jeunes sur les perspectives en matière de formation et d’emploi. Il s’agit de faire évoluer les idées reçues sur le numérique - qui serait l’apanage d’une poignée de geeks surdiplômés - et de déjouer l’autocensure, par exemple en permettant à ceux qui sont déjà acculturés - notamment dans les entreprises - de partager leur expérience.

Fondamentaux du numérique

Afin de permettre à chacun, sans prérequis académique ou social, de (re)trouver un emploi ou d’évoluer au sein d’une entreprise, il existe déjà des dispositifs de sensibilisation et des formations labellisées. Nous devons aujourd’hui aller plus loin, généraliser ces actions, et agir en amont du parcours de formation, notamment en garantissant l’acquisition des fondamentaux du numérique pour tous dans le cadre de la scolarité obligatoire, et ce dès l’école primaire.

Le scénario inverse verrait l’émergence d’une culture d’élite, à l’initiative et au bénéfice quasiment exclusif de quelques privilégiés. On observe déjà un manque de diversité flagrant dans les métiers et entreprises du numérique ; les classes les plus éduquées sont à l’origine de la plupart des mouvements citoyens sur les réseaux sociaux. Peut-on priver toute une partie de notre jeunesse des opportunités offertes par le numérique ?

Nous devons défendre une vision résolument positive du numérique et tournée vers l’avenir : responsabiliser, éveiller les consciences, rendre acteur, ouvrir de nouveaux horizons à tous les jeunes. Le principal défi social de l’ère numérique est bien celui de l’égalité des chances.

Signé : Marjolaine Girard, responsable d’Innov’Avenir.

Cette tribune est également signée par : Anthony Babkine, cofondateur de Diversidays ; Jean-Marie Bellafiore, directeur général délégué de BNP Paribas Personal Finance ; Djamchid Dalili, fondateur de la 3W Academy ; Sophie de Quatrebarbes, coordinatrice du programme Class’Code ; François Durollet, directeur général de Simplon.co ; Abdelmoughith Feki, fondateur de Smarteo ; Mounira Hamdi, cofondatrice de Diversidays ; Anne Lalou, fondatrice de la Web School Factory ; Stéphane Roussel, PDG de Gameloft ; Laura Ruhe, vice-présidente chargée de la RSE de FactSet ; Jérôme Siméon, président de Capgemini France ; Emmanuel Vandamme, président de la MedNum.